La question des ruptures et des suspensions des contrats de travail est au cœur des préoccupations des salariés portés ces dernières semaines. La propagation du Covid-19 a en effet un impact direct sur le déroulement des missions ce qui peut accélérer la fin des contrats de travail des salariés portés.
Certains contrats peuvent être rompus de façon définitive ou bien de façon temporaire dans l’attente de la reprise des activités. En attendant, il est important de revenir sur le cadre légal des différents modes de ruptures possibles pour les salariés portés dont le statut original peut parfois laisser croire que les dispositions du Code du travail ne s’appliquent pas toujours à leur profil. En réalité les contrats de travail conclus par les salariés portés sont soumis au même droit du travail que les salariés subordonnés à un employeur.
Voyons quelles sont les modalités de tous les types de rupture de contrat de travail des salariés portés et quelles en sont les conséquences.
Ce qu’il faut savoir :
Il est important de relever que pour tout salarié porté, un contrat de travail existe avec l’entreprise de portage salarial tout en étant lié par une autre forme de contrat avec son client, le plus souvent, un contrat commercial de prestation. Ce contrat de travail peut lui aussi être un contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Ainsi, la fin de la mission du salarié porté n’entraîne pas automatiquement la rupture du contrat de travail avec la société de portage salarial. C’est ce que précise l’article L1254-8 du Code du travail.
Les ruptures d’un commun accord
- La rupture amiable du CDD
Rappelons tout d’abord que le salarié porté et l’entreprise de portage salarial peuvent conclure deux types de contrat de travail : un contrat à durée déterminée (CDD) ou un contrat à durée indéterminée (CDI) dont le choix dépendra essentiellement de la durée des missions prévues entre l’entreprise cliente et le salarié porté (Ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015).
En tous les cas, il est possible pour les parties de mettre fin au CDD de portage salarial de façon amiable en application de l’article L1243-1 du Code du travail.
Article L1243-1 Code du travail : “ Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail. “
Les parties formaliseront la fin amiable du CDD, via un avenant qui établit les conditions de la rupture du CDD et sa date de survenance.
Ce mode de rupture ouvre droit à l’assurance chômage pour le salarié porté.
- La rupture conventionnelle du CDI
L’autre mode de rupture amiable possible est la rupture conventionnelle du CDI. L’article L1237-11 du Code du travail énonce en effet que :
“ L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. (…) ’’.
Le salarié porté ainsi que l’entreprise de portage salarial peuvent donc décider d’un commun accord, de mettre un terme au contrat de travail si ce dernier est un contrat de travail à durée indéterminée.
Ce mode de rupture présente un avantage réciproque pour les parties puisque le salarié porté peut obtenir des droits au chômage à l’issue de cette rupture et l’entreprise de portage salarial peut mettre un terme à un lien contractuel qui ne lui convient plus sans avoir recours à une procédure plus contraignante telle que le licenciement.
La rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié porté
- La démission du CDI
Parmi les différents modes de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié porté il y a d’abord la démission. L’article 1237-1 du Code du travail nous donne une définition assez floue de cette fin de contrat mais la jurisprudence apporte des précisions supplémentaires : “ la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au code du travail … ” (Cass soc 9 mai 2007).
Les salariés portés peuvent donc prendre l’initiative de mettre fin au CDI les liant à une entreprise de portage salarial. Le salarié porté doit observer un délai de préavis qu’il pourra cependant essayer de négocier avec l’entreprise de portage salarial.
Il faut cependant rappeler que la démission étant une perte d’emploi dite ‘’volontaire’’, elle n’ouvre pas droit à l’assurance chômage pour le salarié porté à l’issue de la rupture.
- La rupture anticipée du CDD par le salarié
Dans le cadre d’un CDD, la loi autorise à certaines conditions que le salarié mette fin à son contrat s’il justifie par ailleurs d’une embauche en CDI (article L1243-2 du Code du travail).
Dans ce cas, le salarié devra respecter un préavis d’un jour par semaine de CDD et d’une durée maximum de 14 jours.
Comme pour la démission, le salarié porté pourra négocier l’exécution de son préavis. En toute hypothèse, la résiliation du contrat à l’initiative du salarié porté ne doit pas porter atteinte aux dispositions du contrat de prestation conclu avec l’entreprise cliente.
- La rupture de la période d’essai par le salarié
Les contrats conclus avec une entreprise de portage salarial n’échappent pas à la période d’évaluation professionnelle dite “ période d’essai “.
Ainsi, l’article 19 de la Convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 précise que : “ Au cours de la période d’essai, chacune des parties pourra mettre fin au contrat sans indemnité, moyennant le respect d’un délai de prévenance conformément aux articles L. 1221-25 et L. 1221-26 du code du travail. “
Lorsque le salarié porté met fin à la période d’essai, cela emporte les mêmes conséquences que pour les salariés d’une entreprise à savoir l’absence de droits à l’assurance chômage.
La rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (l’entreprise de portage salarial)
- La rupture anticipée du CDD par l’employeur
Le Code du travail prévoit que l’employeur peut mettre fin à un CDD dans trois cas limitativement énumérés par la loi : la faute grave, la force majeure ou l’inaptitude médicale constatée (article L1243-1 du Code du Travail).
En cas de licenciement sans cause réelle, l’entreprise de portage salarial ne pourrait pas mettre fin de façon anticipée au CDD sous peine d’être redevable de dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme du contrat auxquels s’ajoute l’indemnité de fin de contrat (article L1243-4 du Code du travai
Ce mode de rupture ouvre droit à l’assurance ou allocation chômage du salarié porté.
- La procédure de licenciement
L’entreprise de portage salarial peut également mettre fin au contrat de travail par la procédure de licenciement que ce soit dans le cadre d’un CDD ou d’un CDI. L’article L1232-1 du Code du travail rappelle par ailleurs que “ Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. “
Le licenciement doit donc être justifié par une cause réelle et sérieuse qui pourra se traduire par la faute grave du salarié porté dans le cadre d’un CDD ou bien par tout autre motif précis, vérifiable et suffisamment grave dans le cadre d’un CDI telle que le licenciement pour motif économique. Dans ce dernier cas, le salarié percevra des indemnités de licenciement.. En l’absence de cause réelle et sérieuse, le salarié peut, de manière légitime, saisir le conseil de prud’hommes.
Cet acte de rupture ouvre droit à l’assurance ou allocation chômage du salarié porté.
- La rupture de la période d’essai par l’employeur
Enfin, conformément à l’article 19 de la Convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 cité plus haut, la société de portage salarial peut mettre fin à la période d’essai tant que celle-ci n’est pas arrivée à son terme.
Dans ce cas de figure, le salarié porté pourra bénéficier de l’assurance ou allocation chômage.
Les différents modes de rupture du contrat de travail sont applicables aux salariés portés ainsi qu’aux salariés soumis au pouvoir de direction de leur employeur. Cette similarité de réglementation rappelle l’avantage majeur dont bénéficie les salariés portés à savoir la jouissance de la liberté entrepreneuriale tout en profitant de la protection juridique du salariat.
Textes de référence :
- article L1254-8 du Code du travail
- Ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015
- article L1237-11 du Code du travail
- Cass soc 9 mai 2007
- article L1243-2 du Code du travail
- article L1243-1 du Code du Travail
- article L1243-4 du Code du travail
- article L1232-1 du Code du travail
- article 19 de la Convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017