Ces dernières années le marché du portage salarial a le vent en poupe, enregistrant en 2018 une forte hausse de plus de 18 % par rapport à l’année 2017. L’attraction croissante du portage salarial s’explique aisément par les nombreux avantages qu’il représente pour les travailleurs : une protection sociale de qualité, le bénéfice de l’assurance chômage, l’absence de gestion administrative et de gestion d’une entreprise ; le tout en étant indépendant. Le portage salarial est un dispositif fort séduisant pour les âmes d’entrepreneurs qui veulent bénéficier d’un maximum d’autonomie sans renoncer à la sécurité du salariat.
Parmi les nombreux avantages du dispositif de portage salarial, la gestion administrative auprès des Urssaf (Unions de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales) sort du lot. En effet, cet organisme tant redouté est géré par l’entreprise de portage salarial qui se charge des paiements des cotisations sociales des entreprises clientes de freelances.
Le portage salarial bénéficie depuis quelques années d’une reconnaissance législative. Plus récemment encore, la jurisprudence a reconnu le caractère singulier de ce dispositif s’agissant de ses relations avec l’Urssaf.
Nous verrons dans cet article pourquoi l’entreprise de portage salarial est un atout de taille dans la gestion et la sécurisation des relations entre entreprises clientes de prestataires et l’Urssaf.
Ce qu‘il faut savoir :
- Le Code du travail encadre le portage salarial en son article L1254-1.
Le dispositif est entendu comme la relation contractuelle tripartite dans laquelle un salarié porté ayant un contrat de travail avec une entreprise de portage salarial effectue une prestation pour le compte d’entreprises clientes.
- L’Ordonnance du 2 avril 2015 (n°2015-380) relative au portage salarial a été
ratifiée le 21 juillet 2016. Depuis cette date le portage salarial est un dispositif légal sécurisé.
- Depuis le 28 avril 2017, le portage salarial a sa propre Convention collective.
Le portage salarial : un dispositif efficace pour se prémunir contre les risques URSSAF
L’entreprise qui emploie des freelances s’expose à deux risques principaux à savoir :
- la requalification du sous-traitant en salarié (L 8221-6 II Code du travail)
- la qualification de travail dissimulé par personne interposée (article L8221-1,L8221-3 et L. 8221-5 Code du travail)
Dans le premier cas, le critère déterminant pour constater l’existence d’un contrat de travail est celui du lien de subordination juridique, caractérisé selon la jurisprudence, “par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné“ (Cass. soc., 13 nov. 1996, n° 94-13.187).
Dans le second cas, c’est l’absence de vérification de l’identité du prestataire qui pourrait être reprochée à l’entreprise cliente. Celle-ci doit en effet être vigilante à demander avant l’exécution des services du prestataire, l’immatriculation de la société de même que l’attestation de vigilance pour les prestataires concernés.
Lorsque les risques se réalisent, la sanction est immédiate et impacte prioritairement l’entreprise cliente du prestataire en raison de sa solvabilité.
Le recours à une entreprise de portage salarial évite indiscutablement ces risques puisqu’elle procède en amont aux vérifications juridiques et administratives nécessaires.
Par ailleurs, le prestataire détient le statut de salarié par le biais de l’entreprise de portage, ce qui signifie que les cotisations sont prélevées de son salaire et il percevra un net à payer tout en bénéficiant de la protection salariale (protection sociale, retraite, chômage).
Il appartient donc à la société de portage de s’acquitter des cotisations sociales dues à l’Urssaf et non pas à l’entreprise cliente du prestataire.
Tout “ risque Urssaf ” est donc évincé car la gestion est entièrement externalisée.
Un jugement du TGI le 3 septembre 2019 en faveur d’une entreprise de portage salarial, dans un litige l’opposant aux Urssaf
En raison de ses spécificités de fonctionnement, l’entreprise de portage salarial n’a pas toujours joui d’une bonne réputation auprès des Urssaf. Le système de recouvrement des cotisations sociales de l’Urssaf n’est effectivement pas toujours adapté au dispositif du portage salarial.
Cette incompatibilité a heureusement été mise en lumière dans une décision récente du Tribunal de grande instance (TGI) de Paris le 3 septembre 2019.
Dans cette affaire, une entreprise de portage salarial refusait de payer, à la date exigée par l’Urssaf, les cotisations sociales correspondant à des avances sur rémunération faites aux salariés portés.
Les raisons de son refus étaient simples : il n’était pas justifié de payer des cotisations sur des avances de rémunération du prestataire alors que la mission n’avait pas encore été rendue dans son intégralité, et par conséquent n’avait pas encore été payée dans sa totalité.
Lorsque les missions s’étendent sur plusieurs mois, il est en effet d’usage que les entreprises clientes, rémunèrent les prestataires en deux temps en fonction de l’évolution de la prestation rendue ; c’est pourquoi dans cette affaire il y avait un premier versement correspondant à une avance de rémunération.
Ce déroulement est malheureusement incompatible avec les échéances de recouvrement des cotisations sociales fixées par l’Urssaf.
Le 3 septembre 2019 le TGI rend son jugement, prenant position pour l’entreprise de portage salarial mise en cause.
Ainsi, le TGI reconnaissait que la seule preuve de la réalité du travail effectué par le salarié porté était le paiement de la facture par l’entreprise cliente. Par conséquent les avances de rémunération ne constituaient pas une preuve suffisante de la réalisation intégrale de la prestation. Les cotisations sociales afférentes n’étaient donc pas exigibles à la date indiquée par les Urssaf.
En reconnaissant les particularités de fonctionnement des entreprises de portage salarial, cette décision confirme la confiance qui leur est accordée. Dans la lignée d’une législation relativement récente, ce jugement conforte la légitimité du portage salarial dont l’un des avantages qui n’est plus à démontrer, est la sécurisation des rapports entre entreprises clientes de freelances et l’Urssaf.
Bien que cette décision soit inédite, elle ne devrait pas être la dernière ; de quoi renforcer l’attractivité des entreprises de portage salarial, ces dernières ayant déjà fait leurs preuves depuis un moment. Affaire à suivre…
Textes de référence :
Article L1254-1 Code du travail
Ordonnance du 2 avril 2015 (n°2015-380) relative au portage salarial
Convention collective du portage salarial du 28 avril 2017
Article L 8221-6 II Code du travail
Article L8221-1 Code du travail
Article L8221-3 Code du travail
Article L8221-5 Code du travail
Cass. soc., 13 nov. 1996, n° 94-13.187
Jugement TGI du 3 septembre 2019 (RG: 18/00257)