L’innovation est à la mode, une mode qui sonne presque comme une injonction pour l’entreprise, au même titre que la protection de l’environnement ou le bien-être au travail. En lisant la presse spécialisée ou grand public, l’entreprise moderne se doit d’être innovante.
Mais pour le chef d’entreprise, ce n’est pas si simple. Pour l’environnement ou le bien-être, il lui suffit de suivre des normes, des règlementations ou de copier une pratique. Pour tous les autres processus de l’entreprise, il est formé et il peut appliquer des méthodes et des règles.
Mais l’innovation, il n’a jamais appris. Il organise son entreprise pour l’optimisation pas pour l’innovation. Il essaie bien de faire comme les grandes entreprises et les ingénieurs disent qu’il faut faire : trouver une idée (demander à la R&D), faire un prototype pour voir si ça marche (R&D/BE), faire l’étude industrielle et en fabriquer pour voir combien ça coûte (BE/Production), puis vendre (Commercial) sans oublier d’écrire des procédures pour encadrer tout ça (Qualité). C’était en partie vrai avant, quand le monde était simple. Il est désormais complexe et demande de l’agilité.
Le chef d’entreprise tire généralement deux conclusions de cette expérience : pour innover, il faut une bonne idée. Innover, ça coûte cher.
CASSER LES DOGMES
Le chef d’entreprise peut se sentir frustré, poussé d’un côté par l’impératif d’innover (si tu n’innoves pas, tu n’es pas bon, l’entreprise est en danger), perdu entre les différentes méthodes proposées, impatient devant les faibles résultats malgré les objectifs donnés et les efforts engagés.
Or chaque entreprise innove comme elle peut, en fonction de ses moyens et de son environnement. Mais surtout si elle en a besoin.
Il n’existe pas de méthode d’innovation, plus exactement, il en existe beaucoup qui racontent toutes la même chose (Design Thinking, Blue Ocean, Théorie U, Théorie CK, Lean Startup, …). C’est au chef d’entreprise de déterminer sa manière de fonctionner.
L’innovation, c’est d’abord une culture d’entreprise avant d’être une méthode. La posture du chef d’entreprise est alors déterminante.
Inutile d’attendre d’avoir une bonne idée, elle n’existe pas. Il revient au chef d’entreprise de créer les conditions pour qu’elles émergent et les construire. Puis quelle que soit la source, les évaluer sans les juger et décider celles à retenir. C’est une méthode de management.
Vous pensez avoir un projet innovant ? Au mieux, c’est une idée intéressante. Seul votre client la qualifiera d’innovation. On « vend » donc d’abord son idée puis on la « fabrique » en fonction des réactions du client. On l’adapte ou on l’abandonne, ça coûte beaucoup moins cher.
L’entreprise est structurée pour la gestion et l’optimisation. Chacun est spécialisé et à sa place. Innover suppose prendre des risques, gérer l’inconnu et l’échec, nécessite un engagement coopératif de tous et une organisation agile. Le processus d’innovation est un processus parallèle, transverse et mobilisable à bon escient, contrairement aux autres processus séquencés (silos) et permanents.
QUELQUES POINTS D’ANCRAGE
Pour construire sa méthode d’innovation, le chef d’entreprise pourra s’appuyer sur quelques points clés rarement évoqués dans les méthodes pré-citées.
Avoir une stratégie n’est pas nécessaire pour mener une entreprise mais c’est grandement facilitant pour innover. Cette vision permettra de faire le point sur ces moyens et ceux à acquérir, de fixer le cadre de réflexion des équipes, de choisir les idées pertinentes.
Apprendre à concilier l’inconciliable : être persévérant sans être têtu, prendre des risques sans mettre l’entreprise en danger, accepter l’échec et le vivre comme une expérience positive, partager en gardant le secret, choisir et trancher sans briser.
Savoir et maîtriser son savoir car on n’innove qu’à partir de ces connaissances (sinon, faites de la recherche). Combien d’entreprises se contentent d’empiler des rapports dans de belles bibliothèques informatisées sans les utiliser et ne se posent pas de questions sur ce qu’elles savent vraiment ? Combien font une véritable veille au-delà de s’intéresser à leurs concurrents directs ?
S’appuyer sur son environnement (fournisseurs, clients, concurrents, collectivités, syndicats, associations…) car une innovation ne peut exister sans acceptation sociale. A commencer surtout par l’engagement interne de toutes les parties de l’entreprise. C’est en effet à ce stade que meurent les projets avant même d’être proposés aux clients. La communication prend alors toute son importance.