Lorsque j’ai donné ma première formation, je suis arrivé avec mon petit programme et mes petits exercices et je me suis vite aperçu que cela n’allait pas être aussi simple. J’avais auparavant enseigné peinture et dessin où je ne m’y prenais pas comme cela, où je sondais chaque élève dans son savoir-faire, dans son besoin et dans son envie. Il a fallu rapidement que j’adopte la même attitude dans les formations professionnelles que je donnais. C’est une attitude plus périlleuse, mais je crois que c’est la seule possible. Bien sûr, j’ai mon stock d’exercices sous la main, mais je n’ai pas de programme préconçu pour les distribuer.
CE QUE L’ON SAIT, CE QUE L’ON DOIT, CE QUE L’ON PEUT
Je crois qu’il est important d’établir ce rapport, et qui plus est quand on est dans une entreprise, de bien comprendre ce que la personne sait déjà faire, ce qu’elle veut pouvoir faire et ce qu’elle doit faire. Cela passe nécessairement par une écoute attentive et continuelle de l’apprenant. Je dis continuelle, parce que ces paramètres changent au fur et à mesure de la formation et rapidement, il faut aussi essayer d’évaluer,ce qui lui est impossible.
ÉVITER LA DÉMOTIVATION DE L’APPRENANT
Confronter l’apprenant à ce qu’il ne pourra intégrer ou utiliser est non seulement un risque de rejet de sa part, mais aussi un critère particulièrement porteur de démotivation. Or, le formateur n’est pas là que pour former, il est aussi là pour motiver.
J’ai dû donner des cours à des personnes issues du Print et devant s’occuper de Web et qui n’en avaient vraiment pas envie. Ce sont les formations les plus difficiles que j’ai eu à faire, et c’est là qu’intervient la notion de ce qui est impossible à l’apprenant. Non parce qu’il n’en a pas la capacité (ce qui peut aussi arriver, par exemple en programmation), mais parce qu’il ne veut pas ! j’ai donc revu mon programme à la baisse et me suis limité (par un chemin de contorsions sur lequel je ne reviendrai pas ici), à lui inculquer le minimumpour qu’il puisse répondre au moins à la demande de sa direction.
L’ÉCOUTE, CONDITION SINE QUA NON D’UNE BONNE FORMATION
L’écoute. L’écoute comme condition sine qua non d’une formation réussie. Alors certes, comme je le disais c’est plus difficile, le chemin n’est pas tracé par avance et sur Photoshop il m’est arrivé de devoir commencer par le travail de la plume plutôt que par l’explication des calques ou des formats d’images ou des masques… Une formation se construit avec l’apprenant, il est notre égal et si je ne progresse pas moi-même à travers une formation que je donne, même basique, c’est que je n’ai pas donné une bonne formation. Cette écoute et la situation plus périlleuse qui en découle entraînent une chose, une chose qui parfois peut être un peu douloureuse, mais qui est une récompense et une nécessité de l’enseignant : l’apprentissage toujours renouvelé de l’humilité.
LE FORMATEUR : UN CANAL D’ÉCHANGE ENTRE APPRENANT
Il a toujours des questions auxquelles on ne sait pas répondre, parce que l’apprenant peut toujours avoir des idées que nous n’avons jamais rencontrées, et il est impératif de le dire, de ne pas chercher à noyer le poisson. Une fois chez nous, on cherche, on trouve et le cours d’après on explique. Pire encore, il m’est arrivé tout au début de mon activité de devoir faire une formation sur la dernière version de Photoshop dans un studio graphique. Je me suis retrouvé face à des gens meilleurs que moi ! Objectivement. Mais je travaillais différemment et je prenais des chemins qu’ils ne connaissaient pas, certains les ont intéressés, d’autres non, mais le plus drôle, c’est qu’en discutant avec les uns, j’ai pu donner des solutions aux autres. Ainsi, dans un groupe, le formateur est aussi un canal d’échange entre les apprenants. Il n’a ni la toute-puissance ni le savoir absolu, mais, même devant un débutant, il s’adresse toujours à ces paires, doit se méfier de ce qui lui est si naturel qu’il en oublie de l’expliquer et redécouvrir le cheminement de l’apprentissage. Je crois qu’un formateur n’est pas un maître, plutôt un guide, un catalyseur, une excuse à l’apprentissage.
LE PARTAGE SANS RESTRICTION
Enfin, un dernier point. J’ai aussi eu des formateurs, et je crois que ce qui m’a plus gêné dans le fond, c’est, chez certains, une forme de retenue dans le partage des connaissances sous prétexte (j’imagine) que nous allions devenir des concurrents. Je ne crois pas que l’on forme des concurrents, je crois que l’on forme des collègues.
Alors les trois qualités d’un formateur, ou plutôt les trois qualités à la base d’une bonne pédagogie : écoute, humilité et partage sans restriction de ses connaissances.