Gros plan sur le régime juridique du portage salarial

Mis à jour le jeudi 08 avril 2021
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Le portage salarial est une forme d’emploi qui permet à un travailleur indépendant, essentiellement issu des professions intellectuelles, de cumuler les avantages du salariat et la liberté de prospecter et d’exercer ses missions en toute autonomie. Le cadre juridique qui détermine la relation tripartite entre une société de portage, un salarié porté et ses entreprises clientes, impose certaines obligations pour chacun des intervenants et génère donc des avantages et des inconvénients.

Régime juridique portage salarial

Les éléments juridiques que nous allons détailler permettent de comprendre comment des travailleurs indépendants bénéficiant d’une convention de portage peuvent obtenir la requalification de leur chiffre d’affaires brut en salaire, et de traduire l’impact du portage salarial sur la gestion de leurs missions, ainsi que sur l’ensemble de leur vie professionnelle.

Les différents cadres juridiques du portage salarial

Les trois grands axes qui déterminent le fonctionnement juridique et syndical du portage salarial sont :

  • Le Code du travail : fixe l’environnement juridique et les spécificités des conditions de travail des salariés portés.
  • Le Syndicat des Professionnels de l’Emploi en Portage Salarial (le PEPS).
  • La convention collective du portage salarial, en vigueur depuis le 1er juillet 2017.

Les différentes ordonnances du Code du travail relatives au portage salarial définissent donc comment cette relation contractuelle tripartite s’articule :

  • Un salarié porté peut être toute personne physique justifiant d’un niveau d’expertise et de qualification suffisant pour rechercher et prospecter ses clients et pour négocier lui-même le tarif de la prestation de service qu’il effectue pour ses entreprises clientes.
  • Le portage salarial donne lieu à l’embauche de cette personne physique, lui conférant la qualité de porté et doit se traduire par la signature d’un contrat de travail entre la société de portage et le porté, puis la conclusion d’un contrat de prestation de service entre la société de portage salarial et le client du salarié porté.
  • La perception du prix de la prestation effectuée par le porté est à la charge de la société de portage, qui doit reverser au travailleur freelance porté une partie de ce chiffre d’affaires généré sous la forme d’un salaire et doit calculer et verser les cotisations sociales, fiscales et patronales liées aux prestations effectuées.

Les contrats de travail en portage salarial

Deux types de contrats de travail sont possibles dans le cadre du portage salarial : le CDD (contrat à durée déterminée), et le CDI (contrat à durée indéterminée). Un CDD peut être renouvelé deux fois, sans que sa durée ne dépasse 18 mois, renouvellement inclus. Toutefois, pour permettre au salarié porté de rechercher de nouveaux clients, le terme du contrat peut être reporté, pour une durée maximale de trois ans, par simple accord entre la société de portage et le salarié.

Dans tous les cas, les contrats de travail en portage salarial doivent faire état des mentions suivantes :

  • La relation précise entre le salarié et l’entreprise de portage, à savoir la date du terme (pour un CDD), les compétences et les qualifications exigées, les conditions de congés payés, la durée de la période d’essai ainsi que le calcul et le versement des éléments suivants : la rémunération, l’indemnité d’apport d’affaires, les charges sociales et fiscales, les frais de gestion appliqués et d’éventuels frais professionnels.
  • Les détails de la réalisation des prestations de services : adresse et identité de l’entreprise cliente, objet et durée de la prestation.

Le contrat de travail ainsi conclu doit être transmis au salarié porté au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa signature.

Les obligations des sociétés de portage

Pour obtenir le droit d’exercer, les sociétés de portage salarial sont tenues de respecter certaines dispositions juridiques relatives aux activités exercées :

  • Exercer de manière exclusive l’activité de portage salarial, sachant que seule une entreprise de portage salarial est autorisée à conclure des « contrats de travail en portage salarial ».
  • Accepter uniquement des missions de services (ressources humaines, finance, informatique, ou communication, entre autres exemples).
  • Il est interdit d’effectuer en portage salarial des missions de services à la personne chez un particulier (jardinage, soutien scolaire, travaux ménagers, ou garde d’enfant).

Pour ce qui est de la relation avec les salariés portés et leurs clients, les sociétés de portage salarial doivent :

  • Transmettre une fois par mois au salarié un compte d’activité, qui détaille les paiements effectués par les entreprises clientes du porté, le montant des frais de gestion perçus, les sommes liées aux prélèvements sociaux et fiscaux, la rémunération nette et l’indemnité d’apport d’affaires.
  • Effectuer un contrôle de l’activité professionnelle du salarié porté chez ses clients et lui apporter l’accompagnement nécessaire à la réalisation de ses missions et au développement de son projet professionnel. Cet accompagnement fait partie des nombreux services fournis en contrepartie de la retenue de frais de gestion sur le chiffre d’affaires généré par l’activité du porté.
  • Les obligations d’employeur sont à la charge de la société de portage, notamment en matière de conditions de travail, de santé et médecine du travail, de paiement des taxes et charges sur les salaires et des déclarations administratives obligatoires.
  • Les sociétés de portage salarial sont tenues responsables des conséquences de l’activité du porté chez les entreprises clientes. En cas de préjudice pour un client ou pour un tiers, c’est à la société de portage, en qualité d’employeur, de répondre de ce préjudice et de procéder à une indemnisation éventuelle.
  • Souscrire obligatoirement une assurance de responsabilité civile professionnelle pour le compte du salarié porté.

Comment s’applique le contrat de travail pour un salarié porté ?

Le contrat de travail s’applique entre le salarié porté et la société de portage salarial. Il permet notamment d’offrir un cadre juridique et de détailler les éléments importants à la relation de travail concernant :

  • la date à laquelle il a été conclu et la date de son terme pour un CDD ;
  • le mode de rémunération appliqué par la société de portage salarial ;
  • le pourcentage de la commission prélevée par la société de portage salarial sur le chiffre d’affaires généré par le salarié porté au titre du paiement des frais de gestion ;
  • les charges sociales et fiscales à défalquer du chiffre d’affaires du salarié porté ;
  • les compétences et qualifications du salarié porté pour réaliser une mission auprès d’une entreprise cliente.

D’autres mentions relatives aux conditions de travail ainsi qu’aux obligations du salarié porté et de la société de portage salarial peuvent également figurer dans le contrat de travail.

En cas de litige entre un salarié porté et la société de portage salarial, l’une ou l’autre des parties au contrat pourra saisir le conseil des prud’hommes. Le conseil des prud’hommes pourra ainsi statuer sur les droits et devoirs de chacune des parties. Par conséquent, malgré la relative liberté qui est laissée aux salariés portés d’exécuter des missions auprès d’entreprises clientes, la relation entre un salarié porté et une société de portage salarial répond tout de même à des conditions de travail encadrées par un contrat de travail.

Quelle est la différence entre le contrat de travail et le contrat de prestation ?

Le contrat de travail lie le salarié porté à la société de portage salarial. Les différentes clauses contenues dans le contrat de travail permettront d’établir le cadre juridique dans lequel évoluera la relation de travail. À noter ici que le contrat de travail d’un salarié porté n’apporte pas l’obligation pour ce dernier d’apporter sa force de travail directement au profit de la société de portage salarial, contrairement à une relation employeur/employé classique.

Le contrat de prestation représente quant à lui le contrat conclu entre la société de portage salarial et l’entreprise cliente. Il s’agit plus précisément d’un contrat commercial de prestation de portage salarial. Ce contrat doit être conclu au plus tard dans les 2 jours suivant le début de la réalisation de la prestation de service par le salarié porté. Ce document contractuel doit également contenir les principaux éléments négociés entre le salarié porté et l’entreprise cliente concernant la réalisation de la prestation.

La société de portage salarial se chargera ensuite de rédiger le contrat de prestation contenant :

  • l’identité du salarié porté ;
  • les compétences et les qualifications du salarié porté pour exécuter la mission ;
  • le descriptif de la prestation et des conditions d’exécution ;
  • le prix de la prestation négociée entre le salarié porté et l’entreprise cliente ;
  • la date du terme de la prestation ;
  • la responsabilité de l’entreprise cliente vis-à-vis du salarié porté ;
  • l’identité du garant financier de l’entreprise de portage salarial ;
  • l’identité de l’assureur auprès duquel a été souscrite l’assurance responsabilité civile professionnelle dont bénéficie le salarié porté.

À noter qu’en cas de litige avec l’entreprise cliente, ce sera la responsabilité de la société de portage salarial en qualité d’employeur du salarié porté qui sera mise en cause.

Quelles sont les obligations légales du salarié porté ?

Le salarié porté s’engage auprès de la société de portage salarial à respecter les termes contenus dans le contrat de travail. Il s’agit notamment pour le salarié porté de :

  • démarcher lui-même ses clients et négocier les conditions de l’exécution de la prestation ainsi que le tarif applicable ;
  • réaliser la prestation de service auprès de l’entreprise cliente en respectant les conditions préalablement négociées avec l’entreprise cliente ;
  • faire un compte rendu des différentes missions réalisées à la société de portage salarial.

Concernant le compte rendu d’activité en portage salarial, celui-ci amène également plusieurs obligations d’information pour le salarié porté. En effet, le salarié porté devra tous les mois informer la société de portage salarial de toutes les missions qu’il a réalisé au cours du mois. Il pourra également y décrire les différents frais professionnels non facturés au client, mais ayant été déboursés dans le cadre de la prospection ou de l’exécution d’une prestation.

Le compte rendu d’activité permettra notamment à la société de portage salarial de calculer le nombre de jours de congés dus au salarié porté. Ce compte rendu permettra aussi de calculer le salaire du salarié porté, une fois les différentes charges et cotisations sociales défalquées du chiffre d’affaires généré.

Quelles sont les obligations légales de la société de portage salarial et de l’entreprise cliente ?

À l’égard du salarié porté, la société de portage salarial possède le statut d’employeur. Par conséquent, toutes les obligations inhérentes à l’employeur en règle générale concernent également une société de portage salarial. Ainsi, cette dernière doit par exemple veiller à respecter ses obligations concernant :

  • le suivi de ses salariés portés par la médecine du travail ;
  • les déclarations fiscales et administratives ;
  • le paiement des cotisations sociales ;
  • etc.

De plus, toute société de portage salarial doit également bénéficier d’une garantie financière qui lui permet de garantir le paiement de tous ses salariés portés en cas de difficultés financières.

Pour finir, si la société de portage salarial souhaite rompre le contrat de travail avec l’un de ses salariés portés, les dispositions législatives en matière de licenciement prévues dans le Code du travail sont applicables à la relation entre un salarié porté et la société de portage salarial.

L’entreprise cliente doit quant à elle veiller à respecter toutes les mesures de sécurité prévues en droit du travail à l’égard des salariés. De plus, l’entreprise cliente doit permettre au salarié porté d’exécuter sa prestation dans les meilleures conditions. En outre, une fois la prestation réalisée et conforme aux attentes de l’entreprise cliente, cette dernière devra procéder au paiement de la prestation auprès de la société de portage salarial dont dépend le salarié porté.

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